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LA CLEF
DES CONTES
Depuis notre naissance au monde, nous
dit Satprem, notre matière a été transformée
des milliers de fois avant que nous devenions ce que nous sommes. Et nous
sommes toujours en devenir. Comment s'effectue cette transformation, cette
évolution, c'est un perpétuel conte de fées. Mais
quelle est la clef de ce conte ? Le mystère d'une petite cellule
mise à nu qui pourrait refaçonner cette matière et
donner naissance à un autre type d'être un homme léger
sur cette vieille galère en déroute.
Non,
Le monde ne sarrête pas à notre histoire de fous
devenus dangereux, nous dit ce livre, et linvasion dans la Matière
dun nouvel air plus fluide quun gaz et plus dur que du
diamant, dans les termes de Sri Aurobindo, se dit ici plus que jamais
en musique. Une musique pour décrire La Musique de la Matière,
comme sintitule un des chapitres. « Bigorneau », qui
est comme dans deux mondes à la fois chante une grande
onde musicale qui se déroulait indéfiniment, comme venue
du fond de lunivers, et qui passait-passait sans fin à travers
son corps. Une musique qui a aussi des accents si graves, pour dire
la tristesse de ce petit dhomme, pourtant né à
une aube fabuleuse et inconnue, mais que lui servaient toutes les aubes
et toutes les fables, si un cur peine quelque part ?
Et nétions-nous pas nés pour
être tous ensemble dans une même vague et sauvage et tendre,
dans un même cri ?
Satprem
et son uvre provoquent en moi respect et admiration profonde.
Ce texte lumineux m'a apporté un rare sentiment de rayonnement,
de soulagement et de sérénité
Le choc fut tel
qu'immédiatement j'eus envie de le partager
Il ne faut pas
hésiter à reprendre cet ouvrage plusieurs fois car à
chaque lecture correspond une nouvelle richesse.
Robert Laffont
REVUE DE PRESSE
LE PASSEUR DE SOLEILS
André
Velter
Le Monde, 10 juillet 1998
Empruntant
le verbe des fables, Satprem transmet la part enchantée
de son expérience.
Romans ou essais, témoignages ou correspondances
: Satprem surprend, provoque, ravive lattention à chaque
livre nouveau alors quil sen tient à la même
aventure : celle dun être humain en attente dautre
chose, mais qui sait que le salut est physique et dépend
dune action menée au plus secret du corps, jusquen
chacune des cellules qui le composent. Avec La Clef des contes,
lauteur de Par le corps de la terre et des Lettres dun
Insoumis change de ton, comme sil voulait avant tout transmettre
la part enchantée de son expérience personnelle. Doù
cette suite de récits et de chansons au goût de légende
actuelle, de légende véritable, à inventer et à
vivre, qui témoignent dune force de conviction intacte
en empruntant le verbe des fables et le souffle des poèmes.
Toujours, il y a une vieille mémoire
qui remue en nous. Quelque chose qui chante de lautre côté,
ou qui appelle, ou qui chante. De lautre côté de
quoi, on ne sait pas très bien les « sauvages »
dantan (pas ceux de maintenant) savaient peut-être mieux.
Toujours, il y a un vieil Inconnu qui nous habite et qui nous tire,
et qui semble si vieux, et si proche, comme un inconnu qui serait quand
même connu, qui serait nous-même et plus que nous, comme
un enfant perdu qui ne sy retrouve plus, comme une très
vieille chanson qui ne retrouve plus ses notes, comme une très
vieille tendresse qui nous embrassait... là-bas, de lautre
côté des ans que nous vivons ici à tâtons,
si mal, dans notre peau daujourdhui.
Tout le voyage de Satprem est orienté
vers cet autre côté, cette traversée de soi
dont il avoue que cest un émerveillement... difficile.
Et un peu écrasant. Aussi a-t-il recours à des paroles
légères qui ne craignent ni la naïveté ni
le rire. Saffublant du sobriquet de Bigorneau, il raconte sa trajectoire
de petit Breton jeté dans lenfer dun camp de concentration,
puis ses errances en Egypte, en Guyane, au Brésil, avant la rencontre
décisive, en Inde, de Sri Aurobindo et de Mère. Dès
lors, en quête du grand passage évolutif, il tente
de dire cet indicible, ce soleil du dedans qui est à la fois
blessure et révélation.
Il aurait voulu dire et dire, ce vieux Bigorneau,
chanter ce qui fait vivre en dépit de tout, ce qui ferait une
autre Vie et un autre homme un nouvel homme sous quelque étoile
et une Terre toute neuve sous ses vieux ans. Que faudra-t-il donc pour
réveiller ces passants de leur hypnose, ces vieux passagers de
tant de morts qui nont jamais connu que quelques secondes de vie
et sont partis avec de grands yeux de tendresse ?
Cette question, et bien dautres dans le
livre, ne peuvent que tarauder, secouer, obséder, y compris ceux
qui ne sont pas prêts au pari sur lévolution annoncé
par Sri Aurobindo et repris par Satprem. Car La Clef des contes
ouvre des portes à linfini, comme jadis, et avec une autre
visée, Le Prophète de Khalil Gibran. Cette référence
ne tient évidemment pas au hasard : il y a un élan, une
ampleur, une maîtrise comparables, et lenvoûtement
dune parole proférée par un homme léger
sur cette vieille galère en déroute. Parmi les sages,
les poètes, les philosophes ou les conteurs, Satprem est lun
des très rares à savoir faire de sa pensée un sursaut,
une révolte, une musique.
© Le Monde

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